Plutôt une taxe sur la spéculation que 10 milliards de coupes dans les dépenses publiques

En France comme dans de nombreux pays d’Europe, des citoyens de plus en plus nombreux disent leur ras-le-bol quand nos gouvernements veulent augmenter une taxe sur l’électricité ou une taxe sur le gazole. Alors que des millions de gens souffrent de la très forte hausse des prix de la vie courante et que beaucoup d’agriculteurs n’arrivent plus à vivre de leur travail, ces augmentations sont la goutte qui fait déborder le vase et poussent les citoyens à demander une plus grande justice fiscale. La situation se dégrade aussi dans les pays du Sud : rien qu’à cause de la pandémie de COVID-19, 124 millions de personnes supplémentaires vivent dans l’extrême pauvreté depuis 2020, c’est-à-dire avec moins de 2,10 dollars par jour, notamment en Afrique.

Nous sommes à un moment de l’histoire où les défis économiques, sociaux et climatiques sont immenses et les investissements nécessaires pour y faire face sont colossaux.

Il faut trouver de l’argent pour lutter contre le dérèglement climatique en Europe comme dans les pays du Sud (isoler les bâtiments, développer les énergies renouvelables, investir dans les transports en commun, aider les agriculteurs et agricultrices, assurer une véritable prévention contre les catastrophes comme les inondations, sécheresses ou feux de forêts…). Il faut aussi débloquer des fonds supplémentaires pour la solidarité internationale, pour la lutte contre la pauvreté et les inégalités, et pour l’adaptation des pays du Sud au dérèglement climatique dont ils sont les premières victimes. La COP 28 a permis la création du Fonds Pertes et Dommages pour les pays les plus touchés, mais à quoi sert un Fonds s’il est vide ?

Il faut aussi de l’argent pour notre système de santé, pour l’éducation, la police et la justice…. Nous assistons à un appauvrissement grave des services publics qui sont pourtant fondamentaux pour notre vie quotidienne et pour notre avenir.

Il faut enfin trouver de l’argent pour aider notre industrie verte à rester en Europe. Face aux 360 milliards de dollars de subvention mis sur la table par Joe Biden pour les 10 prochaines années pour attirer les investissements verts aux Etats-Unis, l’Europe doit réagir vite et fort pour éviter les délocalisations, les pertes d’emplois et un retard dramatique dans l’action climatique.

Hélas, au lieu de vouloir dégager de nouveaux moyens, Bruno Le Maire vient d’annoncer 10 milliards d’euros de coupes (1 milliard de coupes dans la rénovation énergétique des logements, 800 millions dans la solidarité internationale, 400 millions dans le fonds d’adaptation au changement climatique à destination des collectivités territoriales etc…) qui, si elles se concrétisaient, auraient des conséquences dramatiques.

Mais comment dégager des ressources nouvelles sans taxer les travailleurs et l’ensemble des citoyens ? En créant enfin une Taxe sur les Transactions Financières. Selon les calculs de la Commission Européenne, elle rapporterait 57 milliards d’euros par an au niveau européen.

L’argent est là : alors que les entreprises du CAC40 ont distribué 100 milliards de dividendes en 2023, alors que les marchés financiers battent régulièrement de nouveaux records, est-il normal qu’ils ne payent aucune TVA ? C’était déjà l’argument mis en avant en septembre 2011 par la Commission européenne, qui proposait la création d’une Taxe sur les Transactions financières (TTF).

Nous payons toutes et tous de la TVA sur tous nos achats. Le taux normal est de 20% mais même les plus précaires, quand ils veulent manger, doivent payer une TVA à taux réduit de 5,5%. Oui, même pour leurs besoins les plus vitaux, les plus pauvres d’entre nous doivent payer 5,5% mais, quand les très riches achètent des actions ou des obligations, le taux est de 0,0%.

Ce n’est plus acceptable. Il est temps de créer cette Taxe pour partager équitablement l’effort collectif pour faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain.

L’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, l’Italie et le Portugal y sont favorables. À 2 reprises en 2023, le Parlement européen a demandé la création immédiate de cette petite taxe. La France est le seul pays qui bloque la négociation comme le démontre la lettre de Gernot Blümel, ministre des Finances autrichien, disponible sur le site TaxonslaSpéculation.com, dans laquelle il dénonce la position de notre gouvernement qui défend une taxe qui exonérerait 99% des volumes échangés chaque jour sur les marchés financiers

La TTF n’est évidemment pas la seule solution. Il faut aller vers un paquet de mesures plus larges pour instaurer une taxation européenne juste : il faut aussi créer une taxe sur les rachats d’action comme les Etats-Unis l’ont fait en août 2022 – une taxe de 1% qui va rapporter 7 milliards par an, et Joe Biden veut la porter à 4%-. Il faut aussi une taxe sur les super-profits des banques et des entreprises pétrolières – comme l’a fait Pedro Sanchez en Espagne -. Il faut aussi négocier la mise en place d’une taxe sur les milliardaires comme le propose Thomas Piketty.

La TTF n’est pas la seule solution mais c’est le dossier le plus mûr au niveau européen. Une étude d’impact de 1.223 pages montre qu’il n’y a aucun risque de fuite des capitaux si l’on instaure ce petit prélèvement. Bonne nouvelle, tout est prêt : si la France renonce à son blocage, la taxe peut être créée lors du prochain conseil des Ministres de finances. Il y en a un tous les mois.

Si la France accepte enfin la Taxe sur les Transactions Financières, on verra que l’Europe peut rapporter gros.

Il est urgent que le gouvernement français prenne la mesure de la colère qui monte de toute part, une colère qui nourrit le vote d’extrême droite, et accepte enfin d’avancer sur cette question. Le gouvernement doit sortir de son dogmatisme, renoncer aux coupes dans les dépenses publiques essentielles et accepter de taxer les marchés financiers.

Faire face à nos défis communs implique une répartition juste des efforts, en particulier s’agissant du financement. Les marchés financiers, en tant qu’acteurs à part entière de notre société et de notre économie doivent aussi contribuer !

Sont déjà signataires :

CFDT – Confédération française démocratique du travail, Marylise Léon, Secrétaire Générale

CGT – Confédération Générale du Travail, Sophie Binet, Secrétaire Générale


Fondation Abbé Pierre – Christophe Robert, délégué général


CJD – Centre des Jeunes Dirigeants – Mélanie Tisserand Berger, Présidente nationale 

CFE-CGC – Confédération Française de l’Encadrement, François Hommeril, Président

UNSA – Union Nationale des Syndicats Autonomes – Laurent Escure, Secrétaire général

FAGE – Fédération des Associations Générales Étudiantes, Maêlle NIZAN, Présidente

ONE – Najat Vallaud-Belkacem, Directrice France de ONE

Attac – Vincent Drezet, Porte parole

UNALCI – Union nationale des associations de lutte contre les inondations, Josiane Janisset, Présidente

Pour un réveil écologique – Dimitri Sircat

Le RESES – Mathis Fidaire, Co-président

JAC – Jeunes Ambassadeurs pour le Climat, Edwige Pujol, Co-présidente

Agir pour le climat – Jean-Louis Bal, Président

Printemps écologique – Anne Le Corre, Fondatrice

CliMates France – Emma Jaunay, responsable Plaidoyer

On Est Prêt – Magali Payen, Fondatrice

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